Faire atterrir la transition durable dans l’entreprise et la finance


Pour cette nouvelle édition, cap sur un sujet central : le lien entre développement durable et transformation financière.

• Comment fonctionne un comité de parties prenantes ?

• Est-ce pertinent pour les TPE et PME ?

• Qu’est-ce que la finance durable ? Quels sont ses dilemmes ?

️ Entretien passionnant avec Bertrand BONHOMME, Président du Comité de Mission du fonds d’investissement durable Sycomore AM.

Au cœur des échanges : comment impulser le changement et faire atterrir la transition.

Bertrand Bonhomme

 

 

 

 

Après avoir été Directeur du Développement Durable du groupe Michelin pendant 8 ans, Bertrand Bonhomme est aujourd’hui Président du Comité de Mission de Sycomore AM.

Acteur engagé de la finance, Sycomore AM est entreprise à mission et labellisé B-Corp.

Leçon n°1 : créer un comité de parties prenantes,
un levier puissant même pour les PME

Un ou deux clients, un ou deux fournisseurs, une banque ou un investisseur, une association et un syndicat ou des représentants du personnel : ça y est, vous avez votre comité de parties prenantes.

« S’ils vous apprécient et qu’ils ne vous doivent rien, ils accepteront que vous les réunissiez une à deux fois par an. Ils vous diront ce qu’ils pensent vu du prisme de l’entité qu’il représente, cela ne vous oblige à rien, mais cela peut vous amener à réfléchir autrement. Il faut le prendre comme un acte de générosité, un cadeau pour la gouvernance d’une entreprise qu’ils apprécient. C’est d'autant plus important pour une petite ou moyenne entreprise parce que le patron est souvent seul. »

Le comité parties prenantes est souvent interrogé sur les sujets sur lesquels l’entreprise est bien préparée pour valider une prise de position. C’est bien, mais c’est encore mieux de l’interroger sur des sujets complexes sur lesquels l’entreprise hésite, a des doutes, des avis contradictoires. C’est là ou la magie de l’intelligence collective d’un groupe de confiance donne toute sa puissante.

« Le comité peut, de par sa composition, aider à dessiner des solutions pour un problème qui dépasse le cadre de l’entreprise et qui est celui de l’industrie. Pour les membres du comité, il y a une volonté d’augmenter la valeur ajoutée crée pour tous : clients, employés, investisseurs et société civile. »

Les conseils de Matière à Transformations

Pour tirer le meilleur parti de votre comité de parties prenantes :

  • Identifiez ce que chacun a à gagner ou à perdre
  • Acceptez les motivations diverses (par exemple plus de social pour plus de stabilité, plus de respect environnemental pour doper les ventes), tant qu’elles servent l’objectif commun
  • Évitez les jugements moraux, entretenez le dialogue
  • Mobilisez des techniques de co-développement pour enrichir les points de vue

Leçon n°2 : impulser le changement par des sujets transverses et accessibles

Après avoir posé les bases de la gouvernance avec un comité de parties prenantes, encore faut-il réussir à les fédérer autour d’objectifs communs. Comment procéder alors que les attentes en matière de durabilité sont extrêmement diverses ?

Trouver des sujets à composante business, environnementale et/ou sociale qui soient assez compréhensibles dans leur expression. Ils doivent permettre à chaque partie prenante de s’exprimer, même et surtout si elle n’est pas spécialiste, ce qui implique d’éviter un langage trop techno. Et bien sûr donner du temps à la discussion, voilà les leçons que Bertrand Bonhomme a retenues de son expérience chez Michelin.

« Lors d’une session sur l'approche CO2, l’entreprise a présenté ses objectifs en expliquant les choix faits. Malgré cette démonstration argumentée, les membres du comité, en particulier une ONG, un investisseur et un client, nous ont poussé à être beaucoup, beaucoup plus ambitieux et l’objectif a été modifié par le président dans la session. »

« Une autre fois, le comité a amené l’entreprise à réfléchir sur le partage de l’innovation lorsque celle-ci offre une meilleure sécurité aux clients. »

Bertrand Bonhomme a engagé ce même travail de définition avec le Comité de mission de Sycomore AM.

« C'est quoi un fonds durable ?

  • Peut-il investir dans une société de défense ou d'armement ? Si l'objectif est la protection de la démocratie, peut-on le considérer comme durable ?
  • Est-il préférable d’investir dans une entreprise déjà verte, comme un fabricant de panneaux photovoltaïques, ou dans une entreprise qui veut se transformer pour être durable, par exemple une entreprise pétrolière qui se diversifierait dans des sources d’énergie plus durables en acceptant une rentabilité moindre que pour son activité principale ? »

Il appartient à chaque organisation d’apporter ses propres réponses à ce type de questionnement, de définir où elle souhaite positionner le curseur, puis de revisiter régulièrement sa position sous l’impulsion de ses parties prenantes.

Les conseils de Matière à Transformations

 Etablissez un cadre de référence commun :

  • Définissez avec vos parties prenantes chaque notion, terme, chiffre-clé, contenu dans l’expression de vos enjeux et de votre vision.
    - Rédigez ces définitions, traduisez-les si nécessaire et partagez-les. Elles seront précieuses en cas d’incompréhensions ou de dissensions.
  • Définissez vos valeurs et explicitez-les : comment elles s’expriment ? Comment elles s’observent ?
  • Questionnez chaque partie prenante sur ses enjeux, puis remontez progressivement vers l’enjeu de premier niveau qui sera commun à tous

Leçon n°3 : viser loin pour sortir du cadre

Comme pour toute transformation, il faut avoir une étoile polaire ; l’horizon long oblige à se projeter et à sortir du cadre.

« Fixer un objectif à 20 ans, c'est beaucoup plus facile parce que les gens se libèrent, ils ne regardent pas l'objectif par rapport à leur carrière et leurs propres objectifs à deux ou trois ans. Ensuite, à partir de cet objectif long terme, c'est beaucoup plus facile de remonter et définir les objectifs intermédiaires. »

Les conseils de Matière à Transformations

Les bons outils et les bonnes techniques permettent de guider les équipes de Direction dans cet exercice :

  • Répondez à des questions simples comme « Que diront de notre entreprise nos arrière-petits-enfants ? ». Il existe d’autres techniques spécifiques de projection, faites-vous accompagner.
  • Utilisez l’arbre des leviers pour identifier les objectifs intermédiaires une fois fixée votre étoile polaire.

Leçon n°4 : mesurer l’impact et repenser la rentabilité

La question de la rentabilité reste épineuse, peu d’investisseurs acceptant des rentabilités moindres ou plus risquées que pour des investissements “classiques”. Mais Bertrand Bonhomme voit des signes encourageants.

« C'est beaucoup plus facile d'investir dans des sujets durables environnementaux avec une bonne rentabilité que dans des sujets sociaux ; cependant certains acteurs ont trouvé les moyens d’investir dans le social grâce à des projets très spécifiques ou en construisant des fonds originaux dans leurs ciblages ou leurs propositions malgré des rentabilités moindres. »

Il faut aussi rendre la durabilité mesurable, pour objectiver l’évaluation et la performance extra-financière. « Sycomore AM a construit la nec initiative, un outil qui mesure le positionnement durable de l'entreprise dans sa globalité et qui le positionne par rapport aux concurrents. »

Quant aux certifications, elles ont fleuri ces dernières années. Si elles deviennent la norme, seront-elles moins attractives ?

« Aujourd'hui, la certification c'est quelque chose de positif, mais il faut faire attention parce qu'il y en a trop, chaque acteur a la sienne et à la fin, clients, investisseurs et employés ne s’y retrouvent pas. L’entreprise ne doit pas multiplier les normes suivies ou certifications recherchées ; par contre, elle doit expliquer son choix et mesurer précisément et objectivement son niveau de performance. »

Les conseils de Matière à Transformations

Faites preuve de pédagogie et donnez du sens :

  • Si vous avez une certification, expliquez, dans votre communication, ce qu’elle mesure, pourquoi vous avez choisi cette certification, en quoi elle est plus adaptée à votre activité ou aux objectifs que vous vous êtes donnés.
  • Mettez du sens, du sens et encore du sens, pour attirer les investisseurs, notamment individuels.

Le critère du sens au travail est devenu essentiel et pondère largement celui du niveau de rémunération pour nombre d’actifs : pourquoi la même bascule ne s’opérerait-elle pas chez les investisseurs ?

Gouvernance, vision long terme, langage commun, mesure de l’impact… La transformation durable passe par une finance repensée, mais aussi par une posture collective, lucide et engagée.

Le mot de la fin ?

« Ne pas hésiter à avancer sans être complètement prêt. Une petite victoire vaut mieux que l’espérance d’une grande bataille. »


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