Transformer l’industrie et la construction par la circularité : le pari réussi de MS pour mieux construire demain


Entreprise familiale auvergnate qui exporte son savoir-faire sur tous les continents depuis 50 ans, aujourd’hui actrice majeure de l’économie circulaire dans l’industrie et la construction, MS force l’admiration.

Alors forcément, parler de transformation durable avec Alexandre GUILLAUME, dirigeant engagé et passionné, était un moment fort pour en décrypter les enjeux, les freins et ce qui permet, jour après jour, d’accélérer la transition.

Alexandre Guillaume, dirigeant de MS

Alexandre GUILLAUME a repris avec sa sœur l’entreprise créée par leur père. Après 20 ans de gouvernance partagée, il est depuis plus d’un an seul à la tête de MS.

Le métier historique de MS depuis presque 50 ans ? Concevoir, fabriquer et installer des solutions innovantes pour traiter, recycler et valoriser sur site les ressources naturelles utilisées ou co-produites par les industriels et les acteurs de la construction : eau, déblais, boues d’excavation.

Installation MS sur un site de Hublet

Chiffres clés : 110 personnes – 1 million de m3 d’eau préservés par jour - 500 000 tonnes de matériaux valorisés par jour – 2/3 du CA réalisé à l’export sur les 5 continents – 90% des achats réalisés en France

Eau, sable/graviers : les deux premières ressources les plus consommées au monde.

Eau et sable : usages et impacts

Leçon n°1 – Introduire la circularité dans ses procédés et ses offres, un levier essentiel pour développer l’industrie

Circuit court, éco-conception, décarbonation, chaîne de valeur responsable … les leviers pour construire des modèles d’affaire et des offres plus durables sont nombreux. Mais si Alexandre Guillaume ne devait retenir qu’un concept, plus englobant, ce serait celui de l’économie circulaire.

« Pour moi, c’est l'angle fondamental. N'ayant plus suffisamment de ressources de sable naturel issu de l’érosion naturelle, nous avons aujourd’hui en France 2500 sites de carrière et sablière où, en majeure partie, on casse des blocs de roches massives pour recréer et produire les matériaux de construction dont on a besoin. On est déjà sur un produit en circuit court, mais l'extraction de ressources naturelles est une transformation assez énergivore, et ces ressources sont finies.

A côté de cela, le premier de nos déchets, ce sont les déblais de BTP, et de très loin. Valoriser ces déblais au plus près des chantiers d’excavation et de construction, pour en faire des matériaux de la meilleure qualité, c'est à la fois du circuit court et de l’économie circulaire. »

MS a une équipe déjà bien rodée, habituée à se déployer en mode projet à l'international pour installer les solutions construites par le site industriel auvergnat pour recycler et valoriser l’eau ainsi que les boues d’excavation. Dans sa feuille de route stratégique, MS entend aujourd’hui déployer ce modèle partout en Europe sur la valorisation du sable, après une belle première réalisation en Belgique de sa solution Save Sand et une plus récente en Alsace.

Pour Alexandre Guillaume, la circularité n’est pas seulement une bonne réponse aux enjeux de disponibilité physique des ressources naturelles. Elle est aussi incontournable pour construire notre souveraineté.

« La transition énergétique vers l'électrification va demander énormément de métaux, et pas seulement des terres rares, or nous avons peu de mines en Europe. On pourrait très vite aller vers une dépendance aux métaux, c’est pourquoi, à notre échelle, nous avons également poussé le concept de circularité en l’appliquant au cycle de vie de nos propres machines. Depuis 30 ans, nous vendons des installations de grande ampleur qui, pour certaines, ne sont pas exploitées plus de deux ans, le temps du chantier de construction. Aujourd’hui, après les avoir rachetées, nous les remanufacturons dans notre atelier pour garantir la meilleure qualité et intégrer les dernières fonctionnalités avant de les revendre. »

Et comme toutes les machines ne trouvent pas nouvel acheteur et qu’il reste toujours des composants inutilisés après remanufacturing, MS a lancé récemment en ligne une offre de pièces de rechange d’occasion, à destination des professionnels comme des particuliers.

Les conseils de Matière à Transformations

L’économie circulaire vise à sortir d’une économie linéaire (extraction > fabrication > consommation > destruction) pour passer à une économie en boucle fermée permettant de prolonger la durée de vie et d’utilisation des matériaux et des produits sur un nombre maximal de cycles, théoriquement infini.

Objectifs :

  • Réduire voire éviter l’extraction de ressources naturelles

  • Réduire et valoriser les déchets et les co-produits  (1)

Comment développer la circularité de son offre produit ?

  • Eco-conception : en phase de conception, optimisez la composition et la fabrication du produit pour augmenter sa durabilité, sa réparabilité, son réemploi et sa recyclabilité, et ainsi réduire son impact environnemental
  • Privilégiez le réemploi et la réparation avant de penser au recyclage, plus gourmand en énergie et en ressources
  • Intégrez les co-produits dans votre réflexion en identifiant des voies de réintégration dans une chaîne productive. Le bénéfice est double : vous évitez qu’ils ne se transforment en déchet et vous générez des revenus additionnels en les valorisant.
  • Pensez circularité dans la conception de vos offres mais aussi dans l’exécution de vos opérations, par exemple en intégrant des objectifs de produits circulaires dans votre politique achat, ou en optimisant votre besoin en ressources.
  • Appuyez-vous sur la carte de processus ou l’analyse de votre chaîne de valeur pour accroître votre potentiel d’idées en phase d’idéation.

Leçon n°2 – Vision, moyens et influence : 3 ingrédients-clés à réunir pour réussir la transition de la circularité

« Être industriel, c’est prendre de la matière et la transformer avec de l’énergie pour faire un bien de consommation grand public ou industriel. Comme c’est déjà compliqué, beaucoup de dirigeants industriels craignent de fragiliser leur business model en intégrant de la circularité. »

MS s’est dotée de moyens : elle a formé une équipe de 15 personnes dédiées au remanufacturing, a construit une infrastructure de production adaptée, aménagé 1,6 hectare de zone de stockage et racheté les équipements vendus à ses clients pour plusieurs millions d’euros.

Tout ceci, MS n’aurait pu le faire sans définir une vision stratégique claire qui lui permette d’arbitrer les investissements et de projeter l’organisation.

« C’est important au niveau capitalistique et il faut que les financeurs nous suivent, mais avec toute l’équipe, nous portons cette conviction que nous sommes sur le bon chemin. Et les chiffres le confirment, puisqu’aujourd’hui, environ 25% de nos ventes viennent du remanufacturing. »

Il faut aussi user d’influence pour lever certains freins. Installer par exemple juridiquement le statut de produit remanufacturé, à ne pas confondre avec le reconditionné.

Le reconditionnement remet en fonctionnement et en sécurité un produit de consommation, après divers tests et interventions techniques si nécessaire. Il est désormais bien encadré, avec des obligations de traçabilité, de communication et de fiscalité.

Le remanufacturage (ou remanufacturing) restaure un produit usagé dans un état de performance équivalent ou supérieur au produit neuf d’origine, avec une garantie complète. Même si la dernière directive européenne ESPR va dans le bon sens, il n’y a pas encore de cadre réglementaire structuré dans l’industrie dite lourde pour le remanufacturing ou la refabrication.

Ces questions de réglementation et de sémantique sont essentielles pour Alexandre Guillaume :

« Nous travaillons avec Evolis (2) pour être force de proposition pour normer et encadrer. Il faut parler le même langage pour que les clients industriels s’y retrouvent.
C’est important car souvent, dans leur esprit, neuf et qualité vont de pair. Lorsque nous avons démarré le remanufacturing de nos équipements, certains clients étaient frileux. Il a fallu leur démontrer que cela pouvait rimer avec performance et durabilité. »

Il y a quelques années, MS a pris une décision simple mais osée, pour accélérer la transition en s’appuyant sur l’argument du prix : refuser de coter en neuf ce qui pouvait être proposé en remanufacturé à ses clients.

« Nous optimisons le coût de leurs investissements et leur proposons ce que nous pensons le plus approprié pour eux. Cela n’a pas plu à tout le monde, mais aujourd’hui, nous n’avons plus de refus. »

Centre de Remanufacturing MS

Les conseils de Matière à Transformations

Après avoir intégré les possibilités de seconde vie en phase de conception produit, l’objectif est de la rendre accessible aux clients professionnels et aux consommateurs pour ne pas rester au stade de la promesse !

  • Cette seconde vie peut faire l’objet d’offres dédiées ou être intégrées directement dans vos modèles d’affaire initiaux. Vous définirez votre politique de prix différemment selon l’option choisie.
  • Mettez en place les conditions de sa réalisation sur le marché : infrastructures, compétences métiers, partenariats, communication, politique de prix, etc.
  • Associez-vous à d’autres acteurs au sein de collectifs (organismes professionnels, syndicats, pôles de compétitivité …) pour influencer l’évolution du cadre réglementaire, indispensable au déploiement de ces modèles d’affaire durables.

Leçon n°3 – Anticiper la prochaine étape pour viser toujours plus loin

Les défis sont encore nombreux pour aller toujours plus loin dans ces modèles circulaires durables. Alexandre Guillaume évoque deux chantiers de longue haleine qui lui semblent particulièrement importants.

D’abord, embrasser les enjeux de façon plus globale pour éclairer les choix :

« On sait qu’il y a 9 limites planétaires (3), toutes interdépendantes. C’est un enjeu systémique. Quand MS vend une solution qui préserve de l’eau, elle carbone le bilan du client car une machine spéciale consomme un peu d’énergie, mais elle préserve des milliers de litres d’eau. Avec Evolis, nous travaillons sur les enjeux d’une offre globale de durabilité, qui intègre la décarbonation et toutes les autres composantes. »

Il y a ensuite l’économie de fonctionnalité, qui consiste à payer un bien selon son usage ou sa consommation, sans passer par l’achat. C’est un modèle qui optimise la consommation de ressources et le budget du client au juste niveau.

« Pour certains clients, le coût d’achat des machines et le prix des ressources fait que le retour sur investissement n’est pas assez rapide, notamment dans le cas du recyclage de l’eau. L’économie de fonctionnalité doit permettre de trouver une clé pour motiver ces clients à aller vers des installations plus durables, et nous travaillons activement à faire émerger des offres sur ce principe. »

Les conseils de Matière à Transformations

Pour éclairer l’adoption d’une offre facturée au client selon son usage ou sa consommation :

  • Commencez par faire un benchmark des modèles similaires en B2B ou B2C dans des secteurs proches de votre activité : identifiez les facteurs-clés de succès et les pièges à éviter en phases de déploiement et de gestion des opérations en marche courante.
  • Anticipez avec vos équipes commerciales et IS/IT la question de la traçabilité de la consommation ou de l’usage de vos clients, qui doit être une donnée partagée et fiable.

Leçon n°4 – Travailler la désirabilité comme moteur de transformation collective

« Lorsque j’ai pris conscience des enjeux écosystémiques, j’ai fait une erreur. Pour moi, le constat a été le déclencheur d’une évidence : nous devons bouger et faire bouger nos entreprises parce que nous sommes dans un monde fini. Mais cela ne marche pas pour tout le monde, le constat négatif est clivant, il fait peur, et on ne peut pas embarquer les gens sans apporter de solutions désirables. »

Cette question de la désirabilité, Alexandre Guillaume est convaincu qu’on ne la traitera pas individuellement, l’enjeu est collectif et demande de partager une même boussole, sans s’opposer les uns aux autres.

« Je crois beaucoup au rôle de pédagogie des médias pour rendre accessibles et désirables des choses complexes sans se cantonner à des punchlines. Construire ce chemin commun et désirable, c’est vraiment ce qui m’anime le plus. »

Les conseils de Matière à Transformations

Quelques règles d’or pour conduire le changement :

  • Situez la position de chacun sur la courbe du deuil déni-colère-tristesse-résignation-reconstruction. Acceptez que la temporalité et la vitesse soient différentes selon les personnes et les groupes.
  • Comprenez les ressentis et émotions de chacun face au constat et aux changements attendus. Identifiez les menaces et les opportunités.
  • Ne cherchez à argumenter ni à convaincre ; traitez progressivement chaque frein au changement par des solutions adaptées pour expliquer, rassurer, outiller, former, etc.
  • Focalisez vos efforts sur vos futurs ambassadeurs puis sur les indécis. Ne consommez pas votre énergie sur les réfractaires. Vous les neutraliserez lorsque vous aurez commencé à embarquer les indécis vers le changement.

1  Un co-produit est une matière dont la production est inhérente au processus de fabrication d’un autre produit (par exemple la sciure et les copeaux dans l’industrie du bois, la glycérine dans la fabrication de savon).

2  Evolis représente les fabricants de machines et de biens d’équipement désireux de se mettre en mouvement pour une industrie innovante, durable et décarbonée, avec notamment pour ambition de jouer un rôle clé dans la transition sociale, environnementale et sociétale

3  Ce sont les seuils définis à partir desquels l’écosystème devient instable, impactant la prédictibilité de nos conditions d’habitabilité. Ces seuils concernent par exemple le changement climatique, la biodiversité, le cycle d’eau douce ou l’utilisation des sols. 6 sur 9 sont aujourd’hui dépassés.


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